Quelle belle surprise pour la communauté horlogère que la présentation faite par Rolex en septembre 2020 de cinq nouvelles couleurs de cadran pour ses tous nouveaux modèles Oyster Perpetual. La série affiche désormais des cadrans colorés, même acidulés, auxquels Rolex ne nous avait absolument pas habitués. Il suffit pourtant de se replonger à la fin des années 1970 pour découvrir l’univers flashy des cadrans Rolex Stella. L’entreprise proposait alors des versions de sa Day-Date et de sa Datejust en onze couleurs différentes. Mais le public plus conservateur de l’époque n’est absolument pas réceptif à l’idée et la marque suisse fait un flop. En 2020, on veut de la couleur. La jeune génération, souvent prospère, des Millenialss’approprie les montres de luxe. Rolex et ses joyeuses Oyster Perpetual vont-elles plaire à cette clientèle tant convoitée ?
Cadrans Rolex Stella : retour dans les années 1970
Vert, turquoise, rose, jaune et violet : ces couleurs de cadrans respirent l’exotisme, mais Rolex ne s’est pas arrêté là au début des années 1970. À l’époque, l’entreprise s’approprie des teintes plus farfelues telles que sang de bœuf, saumon et pêche en plus du rouge, orange et bleu. Ces onze couleurs habillaient la Day-Date et quelques références de Datejust. Au fil des années, ces cadrans colorés ont été surnommés cadrans Stella ou Stella Dials, même si la provenance du sobriquet continue de faire débat. Une chose est sûre, Rolex utilisait cette appellation dans ses campagnes de communication. Les cadrans sont en émail laqué plusieurs fois à la main pour obtenir ce rendu coloré.
Si les années 1970 sont évidemment synonymes de couleurs, les montres colorées n’étaient pas particulièrement appréciées à l’époque. La Swatch n’avait pas encore imposé son style. Si Rolex a principalement produit ces cadrans pour ses marchés du Moyen-Orient et d’Asie, la percée ne s’est pas réellement créée là-bas non plus. Par conséquent, ces montres au design ambitieux ont pris la poussière dans les vitrines des boutiques. Rolex en a donc cessé la production et aurait même détruit des cadrans déjà fabriqués. Voilà pourquoi ces montres se font si rares aujourd’hui et qu’elles sont tant convoitées par les collectionneurs.
Des couleurs acidulées pour une jeune génération ouverte sur le monde
Les appellations Millenials ou Digital Native renvoient à la jeune génération née entre 1985 et 1996. Si ce public n’a d’abord pas été considéré par l’industrie, il apparaît de plus en plus décisif ces dernières années et atterrit ainsi dans le viseur des marques de luxe à travers le monde. Il en va de même pour Rolex. Ce groupe ne cesse de s’agrandir pour accueillir des jeunes gens qui disposent d’un capital – et donc d’un pouvoir d’achat – plus important que les générations précédentes. Cela vaut particulièrement pour la Chine, où la part de Millenials représente 24 %. En comparaison, le pourcentage en Europe s’élève à 21 %.
En outre, ces jeunes gens développent très tôt un goût certain pour la mode, le voyage et les montres de luxe. Les Millenials représentent une clientèle convoitée et éclairée que les fabricants de garde-temps luxueux ne doivent pas uniquement séduire avec des pièces de grande qualité et leur notoriété, mais avec des arguments de vente uniques. Comment faire mieux qu’en présentant un produit de luxe plutôt traditionnel paré de couleurs flashy tout à fait adaptées au public ciblé ?
Oyster Perpetual 2020 dernière génération
Rolex s’aventure une nouvelle fois en terre inconnue en proposant des versions colorées de son Oyster Perpetual en 2020. Toutefois, l’idée n’est plus aussi risquée qu’il y a 40 ans, car l’analyse des données du marché et la recherche sur les groupes cibles est beaucoup plus poussée qu’à l’époque. Ainsi, les responsables chez Rolex avaient leur petite idée derrière la tête en ajoutant les couleurs rose Candy, vert, rouge corail, jaune et bleu turquoise à sa palette d’Oyster Perpetual.
Au-delà de nouvelles couleurs, les montres ont également été dotées de nouveaux calibres de manufacture. Depuis 2020, les versions de 36 et 41 mm de diamètre sont équipées du calibre 3230, tandis que les variantes de 28 et 34 mm affichent le calibre 2232. Tous les mouvements disposent d’un spiral Syloxi en silicium et du système antichoc Paraflex. Rolex a également repensé le design du cadran pour le doter notamment de doubles index bâton à 3, 6 et 9 heures.
La Swatch du riche ?
Quand Rolex a présenté les nouveaux modèles sur les réseaux sociaux, les réactions étaient plutôt mitigées : si d’un côté, les partisans de la marque ont vu d’un très bon œil l’apparition de ces nouvelles teintes, d’autres amateurs attendent de Rolex qu’elle poursuive dans sa lancée conservatrice. Ces derniers ont tendance à associer ces couleurs flashy à des montres bon marché et ne voient en ces modèles rien d’autre que la Swatch du riche. Il s’agit cependant d’avis minoritaires sans trop d’influence sur la réussite ou l’échec de cette série.
Les opinions s’accordent quand il s’agit d’aborder le thème de la disponibilité. Toutes les montres Rolex – l’Oyster Perpetual ne fait pas exception – font l’objet de campagnes marketing mais ne se font que beaucoup trop rares en boutique. Les conséquences d’une très forte demande et d’une disponibilité trop restreinte se traduisent forcément par de longs délais d’attente qui rebutent beaucoup de clients. À ce constat s’ajoute le fait que les montres se vendent en partie deux fois plus cher sur le marché secondaire, ce qui ne fait qu’accroître une frustration qui nuit à l’image de Rolex, marque déjà perçue comme « snob ». De nombreux acheteurs potentiels déçus n’hésitent pas à changer de crèmerie pour se tourner vers des marques comme Tudor ou Omega.
Que disent les données de Chrono24 ?
Regardons nos chiffres de vente en 2020 : la Rolex Oyster Perpetual la plus vendue, et de loin, dans la collection actuelle est la référence 124300 de 41 mm. En deuxième position, la grande 126000 de 36 mm. La 277200 (31 mm) et la version de 34 mm référencée 124200 arrivent en troisième et quatrième positions. Les nouvelles références représentent 13 % des Oyster Perpetual vendues en 2020, pas mal après seulement trois mois de commercialisation. Les différentes couleurs – selon le diamètre – affichant le même numéro de référence, on ne peut pas dire quelle variante a le vent en poupe, cadrans noirs et argentés inclus.
En bref
Après seulement trois mois de commercialisation, il est difficile de décrire précisément la réaction du marché face à ces nouveaux modèles colorés. Si la collection a toujours été plus joyeuse en termes de coloris que d’autres modèles de la marque, elle n’a jamais été aussi colorée. Je trouve que ces teintes pétillantes se démarquent assez bien du reste du catalogue de la manufacture en y insufflant un vent nouveau. Ces montres rencontrent un franc succès auprès des Millenials d’Asie, de Russie et du Proche-Orient. Mais sont-elles disponibles en boutique dans ces pays-là ? C’est une autre histoire. Reste Chrono24 et une question en suspens : sur quels concepts de couleurs les designers de Rolex travaillent-ils pour la prochaine génération montante à fort pouvoir d’achat dite génération Z ?
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