Malgré le recul de la croissance économique, le marché horloger chinois est en pleine expansion. Toujours plus de jeunes Chinois aisés jettent leur dévolu sur les montres de luxe, pour leur prestige et la reconnaissance qu’elles leur concèdent. Les grandes marques l’ont bien compris et partent à la conquête du marché chinois. La deuxième puissance économique mondiale peut d’ailleurs se vanter de son savoir-faire en matière de production de montres : 25 à 30 % des montres sont produites en Chine et les composants chinois sont utilisés depuis bien longtemps dans les montres portant l’appellation Swiss Made.
Y a t-il des montres de luxe en Chine ?
En tant qu’amateur de montres, vous savez sûrement qu’une grande partie des montres et calibres produits dans le monde le sont en Chine ou à Hong Kong. Selon les dernières estimations, il s’agirait de 25 à 30 % des garde-temps. Selon la Fédération de l’industrie horlogère suisse, le volume de montres chinoises exportées représentait environ 12,3 milliards d’euros en 2018, dont près de 8 milliards rien que pour Hong Kong. En unités, la Chine a produit 656 millions de montres, Hong Kong près de 205 millions. La qualité de chacune de ses pièces est extrêmement variable, les fabricants proposant toutes gammes de prix. On y produit presque tout ce que le marché international demande et est prêt à payer : des copies aux soi-disant hommages en passant par des montres tendance aux marques célèbres, sans oublier les véritables montres de luxe.
Vous êtes peut-être en train d’admirer votre montre suisse et vous dites que la Chine est bien loin de vos considérations. Et pourtant, pas tant que ça : depuis 2017, pour obtenir le label d’origine Swiss Made, la montre doit satisfaire à l’exigence de 60 % minimum de valeur suisse et doit être assemblée en Suisse. Le reste peut donc être produit ailleurs. Les bracelets ne faisant pas formellement partie de la montre, ils ne sont pas concernés par les exigences du label Swiss Made. C’est ainsi que, même les marques traditionnelles suisses les plus établies ont recours à des composants venus de l’Empire du Milieu. Résultat, ce label de l’industrie horlogère suisse s’est vu attribuer le surnom peu flatteur de Swiss Made in China.
Laissons le label Swiss Made de côté et considérons uniquement les montres entièrement conçues en Chine, divisées en plusieurs catégories : les montres reproduites à partir de designs célèbres, les White Label et montres tendance, et enfin les montres de luxe chinoises traditionnelles.
Reproductions et montres White Label

Dans la catégorie des reproductions à moindre coût, j’ai nommé les montres de fabricants comme Parnis, Corgeut, Feice et j’en oublie. Leur point commun : ils tentent tous de reproduire les célèbres designs de grandes marques de luxe comme Rolex, Omega ou Audemars Piguet. En règle générale, les brevets ou modèles déposés des designs ne sont plus protégés. Si certains considèrent que ces montres sont un hommage rendu à la marque, d’autres les taxent de contrefaçons. Quelle que soit notre manière d’appréhender ces copies bien éloignées des modèles d’origine, elles s’achètent à des prix compris entre 60 et 200 €. La durée de vie de ces montres aux calibres en partie automatiques de production chinoise n’est pas très élevée.
Montres tendance

Boss, Diesel, Armani, Esprit et tant d’autres marques à la mode font produire leurs garde-temps en Chine. Ces marques étant néanmoins majoritairement établies depuis longtemps, leurs montres font état d’une meilleure qualité de fabrication que les soi-disant hommages rendus aux grandes marques ou montres White Label. De plus, elles affichent généralement un design qui leur est propre. Elles demeurent cependant encore bien loin des montres de luxe au sens premier du terme. Il s’agit souvent de modèles à quartz munis de mouvements japonais comme Citizen-Miyota ou Seiko.
Montres de luxe

La Chine a néanmoins bien plus à offrir que ce cliché de producteur de « montres bas de gamme » qui lui colle à la peau. Sea-Gull et Beijing, deux marques traditionnelles chinoises, produisent des montres mécaniques haut de gamme depuis des décennies. Les deux entreprises ont été fondées dans les années 1950 et peuvent même être étiquetées de manufactures car elles fabriquent leurs calibres elles-mêmes.
Depuis sa création, la Beijing Watch Factory se vante de n’avoir produit aucune montre à quartz. Les montres font état d’un haut degré de finition et sont produites en Chine, en partie selon les préceptes de la technique suisse. Les modèles ordinaires à trois aiguilles s’achètent à partir d’environ 300 €, tandis que les montres munies de tourbillons coûtent dans les 4 000 €.
La Sea-Gull Watch Company siège à Tianjin mais dispose d’antennes en Europe. Ceci surtout car de nombreux fabricants européens intègrent des calibres Sea-Gull à leurs montres. Bien souvent, il s’agit du ST19, un mouvement à remontage manuel, notamment utilisé dans le chronographe Sea-Gull 1936. Ce calibre se base sur l’ébauche suisse Venus 175, produit sur place jusqu’en 1966. Après la liquidation de Venus, Sea-Gull a racheté ses machines, les a modifiées et continue, jusqu’à aujourd’hui, de produire ses mouvements avec. À l’image de Beijing, Sea-Gull compte des montres compliquées dans son catalogue, partiellement équipées de tourbillons. Si le chronographe ST19 ne vous coûtera que dans les cent euros, il faudra tabler sur plus de 3 000 € pour une montre tourbillon, soit une véritable montre de luxe Made in China. Parmi les autres marques chinoises de montres de qualité, citons Rossini, Ebohr et Fiyta
Qu’est-ce qui caractérise le marché chinois ?
Le marché de montres de luxe est un gros marché en Chine et Hong Kong. Malgré les diverses crises, ces marchés sont tous les deux en croissance en 2019. Si les exportations de montres suisses vers Hong Kong ont chuté d’environ 11 % pour atteindre 2,5 milliards d’euros, la Chine continentale a pu enregistrer une hausse de 16 % pour atteindre près de 1,9 milliard d’euros. L’industrie horlogère suisse a fait état de chiffres un peu plus dramatiques pour janvier 2020. Avec une part de seulement 10 %, Hong Kong a perdu son statut de marché principal.
En Chine continentale, les ventes de montres ont augmenté de 7,3 % en 2018 et représentent près de 10 milliards d’euros. Sur la base du volume mondial estimé à environ 30 milliards d’euros pour 2020, l’influence combinée de la Chine et de Hong Kong sur le marché mondial des montres de luxe est évidente.
Le pouvoir d’achat des milléniaux
Selon une étude chinoise publiée par HKTDC Research en 2016, 50 % des hommes et femmes interrogés achètent une montre de luxe pour mettre en valeur leurs goûts personnels et leur image. 48 % d’entre eux eux achètent tout de même une montre pour afficher l’heure. Une grande partie des personnes interrogées ont répondu que le port d’une montre renvoie une image mûre, stable et ponctuelle à leurs interlocuteurs. Les montres mécaniques haut de gamme sont un marqueur essentiel en situations professionnelles, surtout pour les hommes. Ces évolutions ont poussé de plus en plus de fabricants de montres de luxe à tenter leur chance sur ce marché très disputé.
Rolex, Patek, Longines & Co

Un proverbe chinois dit : les pauvres jouent avec des voitures de luxe, les riches avec des montres de luxe. Les grandes marques de montres de luxe comptent bien exploiter l’étincelle de vérité que semble renfermer cet adage. Plus particulièrement Omega, Longines, Patek Philippe, Cartier et Piaget. Ces marques ont compris comment le marché chinois fonctionne. Rolex n’est arrivé que plus tardivement en Chine, non sans panache. La construction habile de la marque et l’engagement d’ambassadeurs de haut rang tels que Lang Lang, Li Yundi et Yuja Wang ont érigé Rolex en première marque de montres de luxe en Chine.
Les marchés parallèles compliquent le positionnement
Les marques citées plus haut ont une chose en commun : elles sont passées maîtres dans l’art de contrôler leurs marchés, et ce à une époque où les marchés parallèles prennent de plus en plus d’ampleur. Sur les plateformes de vente en ligne comme Alibaba et DJ, bon nombre de fausses montres sont achetées en Chine. Les plus petites marques ont ainsi davantage de difficultés à s’imposer et toutes les réticences à pénétrer ce marché.
Walter von Känel, directeur général de Longines, annonçait dans une interview partir personnellement en croisade contre les marchés parallèles, avec l’aide des autorités douanières chinoises. Un succès, à en croire la place qu’occupe Longines sur le marché des montres de luxe en Chine.
Au-delà du commerce stationnaire dans les métropoles chinoises, les fabricants misent de plus en plus sur la vente directe via leurs propres sites Internet. Ainsi, les clients chinois peuvent directement acheter auprès du producteur. Une tactique intelligente et utilisée depuis des années par de multiples micromarques.
Le regard tourné vers l’avenir
Des milléniaux de plus en plus nombreux, un pouvoir d’achat croissant et un goût prononcé pour la mode et le luxe : ces facteurs annoncent un grand potentiel de croissance pour le marché des montres de luxe en Chine dans les années à venir. Hong Kong était et demeure le premier marché pour l’industrie horlogère suisse. Dans le même temps, le pays est le deuxième exportateur de montres au monde. Si la situation politique à Hong Kong se calme à nouveau, les habitants seront de nouveau prêts à dépenser plus d’argent dans des montres de luxe.
Depuis des décennies, Hong Kong et la Chine sont les plus grandes nations exportatrices de montres après la Suisse. Il y a de grandes chances que cette tendance se confirme à l’avenir. Les montres de ces pays sont de plus en plus qualitatives, même si rares sont celles pouvant se frotter aux standards des montres suisses. Dans la plupart des entreprises – mêmes celles faisant état d’un savoir-faire occidental -, le degré de finition et les contrôles qualité sont en constante augmentation.
Si vous vous intéressez aux montres haut de gamme, les montres chinoises sont désormais également à prendre en considération, des fabricants comme Sea-Gull ou Beijing ayant ouvert la voie.
Alors montre de luxe ou pâle copie, à la fin seul le consommateur détermine ce qui atterrit sur le marché.