Le titre de cet article est un peu fleur bleue, je vous le concède. Mais si vous lisez ces lignes, c’est qu’il a tout de même attisé votre curiosité. La notion d’amour, et a fortiori le mot « love », sont assez galvaudés ces temps-ci, d’autant plus lorsqu’il est question de hobbies et de choses matérielles. Ils s’accompagnent souvent d’une forme de pathos qu’il m’est difficile de comprendre. Je dois cependant admettre qu’ils décrivent parfaitement mes sentiments à l’égard de certaines montres de ma collection.
Mon Omega Speedmaster « Transitional » est l’une d’entre elles. Son histoire n’a pourtant rien d’extraordinaire, et il ne s’agit pas d’un objet de famille. Au contraire, je me suis évertué à tisser un lien avec ce garde-temps. Mais même si je porte désormais d’autres pièces au quotidien, ma Speedmaster « Transitional » ne quittera jamais ma collection.
Un oiseau rare
Avant de vous raconter son histoire, permettez-moi de vous présenter la montre en question. L’Omega Speedmaster « Transitional » est rare, car elle correspond à une brève période de transition durant laquelle la marque a abandonné certains éléments de design et le calibre qu’elle utilisait jusqu’alors. Malgré sa ressemblance avec les Speedmaster des années 1960 dotées du calibre 321, la « Transitional » est en réalité animée par un mouvement plus perfectionné, le calibre 861. Elle comporte également certaines caractéristiques des Speedmaster 321 qui sont très appréciées des collectionneurs, telles que la lunette « dot over ninety » (point au-dessus du nombre 90) ou encore le logo Omega appliqué en acier remis à l’ordre du jour des années plus tôt par la marque. Les moins avertis pourraient la confondre avec l’ancienne génération de Speedmaster, plus prisée et plus onéreuse, mais il s’agit en fait d’un modèle de transition entre deux époques. Cela explique sans doute pourquoi il est si difficile de dénicher un exemplaire à un prix abordable de nos jours.
Ce n’était cependant pas le cas lorsque j’ai acquis ce garde-temps il y a 11 ans. En 2012, j’étais un vrai passionné de montres et un grand fan d’Omega. Ma modeste collection comprenait une Speedmaster de 2006, c’est-à-dire une montre plutôt récente à l’époque. Je ressentais néanmoins une certaine attraction pour les montres vintage, et en particulier pour les Speedmaster. Un beau jour, j’ai donc décidé de vendre ma Speedy moderne pour m’acheter un modèle vintage.
Eh oui, c’était encore possible en ce temps-là. Une fois ma montre moderne revendue et l’argent crédité sur mon compte, je me suis mis en quête d’une Speedmaster vintage. Pour le même prix ou presque, j’avais alors le choix entre une 321 ou une 861. En homme rationnel, j’ai opté pour le juste milieu, c’est-à-dire une montre d’aspect vintage, mais dotée du calibre le plus performant. (Petit aparté : j’ai finalement acheté une 321 quelques années plus tard, mais c’est une autre histoire.)
Un témoignage de la fin des années 1960 et du début des années 1970
J’ai déniché une Omega Speedmaster « Transitional » fraîchement révisée au Royaume-Uni, conclu la vente avec son propriétaire, et je la tenais entre mes mains quelques jours plus tard. Il me restait même un peu d’argent issu de la vente de ma Speedy de 2006. C’était le bon temps ! La montre était magnifique, livrée avec les justificatifs d’entretien et même un petit sachet contenant toutes les pièces remplacées. Je n’avais vraiment pas à me plaindre. J’étais aux anges. Ce n’était certes pas ma première Speedmaster (j’en avais eu deux autres auparavant), mais elle datait de mon époque favorite, à savoir la fin des années 1960 et le début des années 1970. Ma Speedmaster « Transitional » est devenue le fleuron de ma collection, et même si j’ai évolué et que ma collection s’est étoffée depuis, elle ne m’a jamais quitté, y compris lorsque je voyageais aux quatre coins du monde.
Compte tenu de la valeur actuelle de certaines montres vintage, mieux vaut y réfléchir à deux fois avant d’emporter son précieux garde-temps en voyage. Mais je ne m’en inquiétais pas à l’époque. Dès que je visitais un nouveau pays, ma Speedy était à mon poignet. Je franchissais les portiques de sécurité de l’aéroport avec elle et la rangeais dans la pochette du siège de l’avion sans me poser la moindre question. Les Speedmaster étant (heureusement) très polyvalentes, cette montre m’a aussi accompagné dans tous les grands moments de ma vie. Ma chère Speedmaster « Transitional » me suivait partout, dans les soirées habillées comme les anniversaires. Et même lorsque je me surprenais à porter d’autres garde-temps, elle patientait sagement dans son coffret jusqu’à ce que je redécouvre mon amour pour elle.
Les années passent…
Toute collection évolue constamment avec les goûts de son propriétaire. Un objet que vous adoriez autrefois peut finalement cesser de vous émouvoir. De nouvelles montres prendront la place de celles que vous aimez actuellement, jusqu’à ce qu’un beau jour, vous vous aperceviez que vous ne les avez plus portées depuis très longtemps. À mesure que ma collection s’agrandissait, je me suis concentré sur d’autres modèles que j’ai pris beaucoup de plaisir à porter. La lune de miel avec ma Speedmaster « Transitional » a été longue. Et lorsque je me remémore les dix dernières années en parcourant des photos, je réalise à quel point ma vie a changé, et moi aussi. La seule chose qui est restée constante, c’est ma Speedmaster « Transitional » que je porte sur presque toutes les photos – et que je compte bien porter encore longtemps.