Difficile de parler de ce qui a animé l’industrie horlogère ces six derniers mois sans mentionner 2020 et la crise du coronavirus. Même avant la pandémie, 2020 s’annonçait comme un tournant dans l’industrie à plusieurs niveaux. Tout d’abord, le SIHH est devenu Watches & Wonders et l’événement a été repoussé à une date ultérieure, comme le Baselworld. Bien sûr, tout a été bouleversé en février quand la pandémie a touché le monde entier et que les confinements ont été instaurés. L’industrie horlogère n’est pas reconnue pour être particulièrement flexible ou adaptable, pas même sur des problématiques mineures. Ceci dit, le secteur a réussi à sortir de sa torpeur et à agir en douceur pour préserver les ventes. Les marques avaient besoin de s’assurer que les stocks étaient suffisants pour la vente en ligne. La plupart des entreprises, Chrono24 incluse, ont d’abord connu une baisse de leurs ventes avant de connaître une hausse rapide. Était-ce lié à la fermeture des boutiques ou les gens étaient-ils à la recherche d’une autre façon d’investir leur argent ? Difficile à dire, mais une chose est sûre : le monde horloger devait s’ouvrir au numérique – et vite – s’il voulait rester à flot.
Début 2021, nous avions déjà essuyé plusieurs vagues de la pandémie et vécu plusieurs événements horlogers en ligne. Je dois dire que je n’ai pas beaucoup apprécié y participer en tant que journaliste, l’interaction avec les gens me manquait, tout comme le fait de toucher les nouveaux modèles. Ceci étant dit, les marques ont fait tout ce qu’elles pouvaient pour rendre leurs événements en ligne les plus attirants et les plus instructifs possible - bravo à elles. Il aura fallu un peu de temps à l’industrie pour s’habituer à ce nouveau mode de vie, mais à l’aube de 2021, nous commencions à apercevoir la lumière au bout du tunnel. Les rumeurs ont commencé à circuler sur la tenue d’événements en présentiel plus tard dans l’année et les marques terminaient leur conférence sur Zoom par des « à bientôt dans la vraie vie ». La première moitié de 2021 a été marquée par le salon Watches & Wonders en avril, non seulement bien mieux organisé que l’édition précédente, mais surtout fréquenté par beaucoup de grandes marques. À l’origine, Watches & Wonders (anciennement SIHH) était un événement du groupe Richemont avec quelques additions comme notamment AP, Richard Mille, H. Moser & Cie., MB&F ou HYT. AP et Richard Mille n’ont pas fait le déplacement cette année, mais d’autres monstres tels que Rolex, Tudor et Patek Philippe ont rejoint la danse.
Tendances horlogères : couleurs et matériaux
Avant de nous plonger dans les données de Chrono24, j’aimerais clarifier quelque chose au sujet des montres sorties cette année. Que vous les trouviez belles ou ratées, aucune n’a été faite en réponse à la crise sanitaire. Toutes ces nouvelles présentations étaient dans les tuyaux depuis des années avant d’atterrir sur le marché. Ceux qui disent que les nouveaux garde-temps sont ennuyeux, car les marques n’avaient pas les moyens de proposer ou de produire de meilleures options se trompent. Ceci étant dit, arrêtons-nous sur quelques sorties phares de l’année. Pour commencer, la couleur a joué un grand rôle. Les Baume & Mercier Riviera et leurs cadrans bleus étaient tout aussi rafraîchissantes que les garde-temps de la collection Oris Diver Sixty-Five Cotton Candy. La nouvelle collection Mega Cool de Moser a insufflé quelques touches estivales en plein mois d’avril et les derniers modèles TAG Heuer Aquaracer se sont donnés pour mission de mettre la plage à l’honneur. Sans oublier la nouvelle série Zenith Defy 21 Spectrum.
En termes de couleur, le bleu a cédé sa place au vert. Ces dernières années, on ne voyait que par le bleu : cadrans bleus, bracelets bleus, touches bleues. En 2021, l’industrie voit cette fois-ci la vie en vert, une couleur selon moi beaucoup plus excitante et moins ordinaire. La plupart des marques mentionnées plus haut proposaient au moins une montre verte dans leur nouveau catalogue, citons notamment l’IWC Montre d’Aviateur Chronographe 41, l’emblématique Patek Philippe 5711/1A et la nouvelle Rolex Datejust 36 avec son décor palmier. Speake-Marine est également entrée dans la danse avec sa nouvelle Dual-Time Mint, et Tudor a évidemment présenté sa Black Bay Fifty-Eight en or 18 carats.
Tudor s’est aussi essayé à de nouveaux matériaux. La marque ne proposait jusqu’alors que des modèles acier et bronze dans sa collection Black Bay, mais en 2021, elle a ajouté l’or et l’argent. J’ai déjà mentionné les récentes Oris Cotton Candy colorées au succès fulgurant. Ceci est dû aux cadrans lumineux, mais les boîtiers et bracelets en bronze y sont aussi sans doute pour quelque chose.
Données Chrono24 : Rolex trébuche, Seiko monte en flèche
Parmi les données les plus pertinentes et les plus intéressantes, voyons voir la part de marché des différentes marques sur Chrono24. Rien de surprenant en cette première moitié d’année 2021. Plus d’un tiers des ventes sont attribuées à Rolex, quel que soit le pays. Rien de neuf à l’horizon, mais il s’agit tout de même d’une baisse de 8 % par rapport à la première moitié 2020. Si la baisse n’est pas significative, Rolex est l’une des trois marques à subir un déclin. TAG Heuer affiche une légère baisse et IWC a connu presque le même sort que Rolex. La plupart des autres marques ont augmenté leur part de marché au cours des six premiers mois de 2021. Voyons voir de plus près.
Avec un peu plus de 10 %, la deuxième marque au classement est Omega. Rolex et Omega représentent donc près de 50 % de toutes les ventes sur la plateforme. Si Rolex reste la locomotive absolue, les chiffres d’Omega impressionnent également. La marque a d’excellents résultats en France et au Royaume-Uni et se débrouille bien aux États-Unis, mais l’intérêt des pays asiatiques a baissé considérablement. Omega a perdu du terrain à Hong Kong et au Japon, même s’il ne s’agissait pas de marchés majeurs pour la marque. Elle a beau se faire distancer en Asie, Omega garde sa place de numéro deux dans le monde. Breitling arrive en troisième position, avec moitié moins de part de marché qu’Omega.
L’un des plus grands marchés de la plateforme, les chiffres des États-Unis sont toujours regardés avec attention. En plus de Rolex, sa filiale Tudor et Patek Philippe y ont perdu des parts de marché cette année. Si les pertes de Tudor ne sont pas significatives, Patek a subi une baisse de ses ventes de plus de 10 %. Seules quelques marques ont chuté au Japon, mais beaucoup ont connu la hausse à Hong Kong. Ce marché a vu rayonner des marques haut de gamme telles AP, Cartier et Patek Philippe.
Cartier s’en est bien sorti en France, au Royaume-Uni et aux États-Unis, mais sa hausse la plus significative a eu lieu en Allemagne. S’il devait y avoir un grand gagnant en matière de part de marché, ce serait Seiko qui bondit de plus de 40 % aux États-Unis. Ceci dit, la marque partait de relativement bas, il lui reste donc une belle marge de progression.
Green is the new black : les utilisateurs de Chrono24 veulent des montres vertes
Jetons désormais un œil aux caractéristiques les plus populaires. Comme déjà mentionné, la couleur du cadran a été (comme souvent) au centre de toutes les attentions. Si le noir fait toujours l’unanimité avec près de la moitié des ventes, il perd cependant du terrain. Le bleu arrive en deuxième position, suivi par l’argenté. Le blanc, le gris et le grand favori du moment, le vert, ont gagné en popularité, on peut même dire que le vert est le grand gagnant de cette première moitié d’année 2021. Mais, comme pour Seiko, les cadrans verts représentaient une part de marché tellement infime que la couleur demeure à la sixième position du classement dans le monde entier. Les tendances aux États-Unis reflètent souvent celles du monde entier, à quelques exceptions près. C’est là-bas que le vert a gagné le plus de terrain, suivi par le bleu et le gris. Les cadrans blancs semblent avoir la côte, mais toutes les autres couleurs (noir, argenté, doré, champagne, marron, nacré) ont chuté. Le Japon se calque sur les États-Unis : tout ce que les Américains aiment, les Japonais suivent. À Hong Kong, chaque couleur de cadran a vu sa part de marché augmenter, sauf le noir.
Autre tendance mentionnée plus haut, le matériau de boîtier. Pas de changements majeurs dans cette catégorie, si ce n’est le fait que les boîtiers en acier, bicolores et en céramique perdent globalement du terrain. Les vainqueurs de l’année sont de loin le carbone, le platine et l’or blanc. La performance du carbone ne m’étonne guère : il y a de plus en plus de montres en carbone dernièrement – chez DOXA par exemple. Malgré cette ascension, les modèles en acier représentent toujours plus de 70 % des ventes. Les boîtiers bicolores occupent la deuxième place avec près de 7 % de part de marché. Les 23 % restants sont partagés entre les huit matériaux les plus populaires.
Les modèles favoris des utilisateurs de Chrono24 : les gagnants et les perdants
Il est important de jeter un œil aux modèles et aux marques populaires et de comprendre leur performance en cette première moitié de 2021. D’abord, il apparaît clairement que le marché laisse une part plus équitable aux différentes familles de modèles. Pour le moment, la Rolex Datejust reste le modèle le plus populaire dans le monde avec 8 % des ventes, suivie par la Rolex Submariner et l’Omega Seamaster, chacune à 5 %. Il est intéressant de noter que ces trois modèles ont tous perdu du terrain, la Sub subissant la chute la plus conséquente. La Speedmaster arrive en quatrième position, suivie par la Daytona (4,75 %). Ces deux modèles sont clairement gagnants avec une hausse de près de 4 % comparé aux six premiers mois de 2020. Cependant, on observe une chute chez de nombreux modèles phares comme les GMT-Master II, Black Bay et Navitimer. La GMT-Master II est d’ailleurs la plus grande perdante de cette première moitié d’année, ayant perdu des parts de marché dans tous les pays que nous avons consultés. Peut-on dire que la GMT-Master II, parmi les Rolex les plus demandées, n’a plus la faveur de ses fans ? Des modèles de luxe populaires comme la Royal Oak ont gagné du terrain en Europe et en Asie, mais en ont perdu aux États-Unis. Même chose pour la Nautilus : demandée en Europe et en Asie, mais boudée aux États-Unis.
Il y aurait encore des tas de choses à dire sur les données de Chrono24, mais nous espérons que cet article vous aura un peu aidé à mieux comprendre les tendances de l’industrie horlogère. Personne ne peut prédire l’avenir, et loin de nous l’envie de spéculer, mais j’ai hâte de voir ce que nous réserve la fin d’année 2021. Le secteur horloger est un marché dynamique, en changement constant, et je me prépare à certaines surprises, des déclins, des hausses et à la grimpée en flèche de certains modèles. Une chose est sûre : nous serons là pour commenter des six prochains mois !
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