Mystique, insondable, maléfique, mais en même temps intemporel, élégant et symbole de pouvoir : le noir. La plus sombre des teintes, qui dans notre culture symbolise la mort, exerce à ce titre depuis des temps immémoriaux une véritable fascination. Impossible de parler de couleur, puisqu’il ne reflète aucune onde lumineuse. Au contraire, il les absorbe : le noir est précisément l’absence de lumière. Noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir ? Penchons-nous sur la question.
Il est d’usage dans le monde horloger de faire la publicité pour ses montres en acier ou en métal précieux en mettant en valeur leur éclat, leur glamour, leur finition parfaite ou leur caractère ludique. Les montres couleur corbeau s’inscrivent difficilement dans cet esprit hédoniste, léger qui flirte avec la futilité. En bref : elles semblent aux antipodes de l’art horloger traditionnel. Plus que des garde-temps à prendre au sérieux, ce sont des montres rebelles, des accessoires sportifs et cool dont la lisibilité parfois pâtit de ce parti pris esthétique sans concession. Malgré cela – ou grâce à cela – elles jouissent d’une popularité croissante.
Saviez-vous que le couturier et designer Karl Lagerfeld (lui-même), décédé en 2019, est considéré comme un pionnier parmi les porteurs de montres noires ? « Kaiser Karl » apparaît sur de nombreuses photos datant du début des années 1970 avec une Audemars Piguet Royal Oak noire référence 5402. Comme AP ne proposait pas de Royal Oak noire dans son programme à l’époque, on suppose que Lagerfeld avait lui-même fait recouvrir la montre en acier inoxydable d’un revêtement PVD. Un vrai rebelle, ce Karl !
La première montre noire produite en série est sans doute le chronographe 7176 de Porsche Design, présenté en 1972. Pour son 50e anniversaire, le studio de design a présenté début 2022 une nouvelle édition limitée à seulement 500 exemplaires et dotée d’un mouvement de manufacture certifié COSC. Jack Heuer avait également repéré avant l’heure le potentiel des montres noires : c’est à sa demande que l’entreprise a produit la Heuer Monaco « Dark Lord » dès 1974.
Le point commun de toutes les montres noires de cette époque est qu’elles sont recouvertes d’un revêtement PVD. Dans ce procédé de dépôt physique en phase vapeur, une fine couche de peinture noire est déposée par évaporation sur le matériau. Toutefois, l’un des principaux inconvénients des premiers revêtements PVD était leur courte durée de vie.
Les procédés PVD modernes, ou le Diamond-like Carbon (DLC), permettent d’obtenir des revêtements bien plus solides, mais ne sont en définitive rien de plus que des traitements en surface et sont sujets aux dommages. Ces dernières années, de nombreuses recherches ont été menées pour mettre au point de nouveaux matériaux noirs qui dispensent de l’application d’un revêtement. Parmi ces matériaux : la céramique et le carbone.
Dans cet article, nous vous présentons quelques montres noires populaires issues de différents segments de prix et fabriquées en différents matériaux.
Blaken, des Rolex noires Made in Germany
Si vous êtes à la recherche d’une Rolex noire, vous constaterez rapidement que la manufacture genevoise ne propose aucun modèle de cette couleur. Si la demande pour des montres noires de Rolex est importante, le fabricant continue de faire la sourde oreille : une aubaine pour quelques petites entreprises qui occupent cette niche. Blaken GmbH, dont le siège se trouve dans la petite ville de Menden, en Allemagne, est l’une d’elles.
Si vous vous êtes lassé de votre Rolex en acier inoxydable, Blaken se charge de la revêtir de noir et d’y apporter les modifications que vous souhaitez. Autre possibilité : Blaken achète pour vous la Rolex qui vous plaît et la modifie ensuite. Le boîtier est revêtu de noir par procédé DLC, au cours duquel une très fine couche de carbone y est déposée. Fine, certes, mais d’une dureté de plus de 3000 Vickers, et de ce fait bien plus résistante que l’acier inoxydable.
Pour certains puristes, la modification d’une montre sortie des ateliers Rolex de Genève est une véritable hérésie. Cependant, et c’est bien connu, le détenteur d’une montre est libre d’en faire ce qui lui plaît : en extraire le ressort à coups de marteau, l’utiliser comme palais de hockey sur glace, ou y apporter des modifications.
Nota bene : si la Rolex que vous avez achetée se trouve encore sous la garantie de cinq ans, celle-ci expire et Blaken GmbH se substitue à Rolex en tant que garant.
Sur Chrono24, vous trouverez régulièrement des modèles Rolex noirs modifiés par Blaken. Selon la variante et le type de modification, les prix varient entre 10 000 € pour une Air King et un peu plus de 60 000 € pour une Daytona de la collection actuelle de Rolex.
« The Black Series » de Seiko : quatre montres couleur nuit
Seiko, l’horloger le plus connu du Japon, a présenté il y a quelques semaines sa série Prospex « The Black Series », quatre montres de plongée Turtle et Sumo noires en édition limitée, avec de séduisantes touches d’orange. Les quatre versions sont des réminiscences modernes de modèles que Seiko a présentés pour la première fois dans les années 1960 et 1970. À l’époque toutefois, les montres n’étaient pas encore noires.
Alors que les références SPB253J1, SPB255J1 et SPB257J1 sont pourvues du calibre de manufacture 6R35, la SLA061J1 renferme un mouvement un peu plus sophistiqué, le 8L35. Seiko commercialise 5 500 exemplaires de chacune des trois variantes équipées du 6R35, tandis que le quatrième modèle, le 8L35, n’existe qu’en 1 000 exemplaires.
Pour ce qui est du matériau, Seiko mise sur l’acier inoxydable, lequel est ionisé sous vide selon le procédé Super-Hard-Coating développé par Seiko. Le boîtier est ensuite recouvert d’un revêtement DLC noir. Les boîtiers eux-mêmes ont, selon les références, un diamètre compris entre 40,5 mm et 44 mm, de sorte qu’il existe une montre adaptée à presque tous les tours de poignet.
Comme de coutume avec les montres de plongée Seiko de la série Prospex, les montres de la série Black offrent une étanchéité à l’eau de 200 m (20 bar), et le fabricant équipe les garde-temps d’un cristal de saphir bombé, une particularité à laquelle on peut bien entendu s’attendre dans cette catégorie de prix. Les prix sont assez modérés pour ce qui est proposé. Ainsi, les modèles dotés du calibre 6R35 coûtent entre 1 250 et 1 350 € au prix catalogue. La SLA061J1 avec 8L35 sort du lot avec un prix de 3 300 €.
Richard Mille RM037 en carbone TPT
Les montres Richard Mille sont des chefs-d’œuvre exclusifs de savoir-faire horloger, fabriqués à partir de matériaux high-tech, qui suscitent parfois la polémique en raison de l’image de leurs détenteurs et de leurs designs futuristes. Ajoutons à cela des prix inabordables pour la plupart des amateurs de montres. Mais l’exclusivité mentionnée ci-dessus a un prix. Richard Mille propose toute une série de montres noires, dont la montre pour femme RM037. La montre mesure 34 mm de diamètre et est disponible en or, en céramique ou en carbone TPT.
Le carbone TPT est un matériau utilisé par Richard Mille qui superpose d’innombrables couches de carbone ultrafines et les fait fondre à 120 °C pour former un ensemble extrêmement solide. Il en résulte un matériau ultraléger mais extrêmement robuste. L’un des effets secondaires de ce procédé est qu’aucun boîtier ne ressemble à un autre, car la structure de la surface est toujours différente. Chaque montre est donc une pièce unique.
Entièrement noire, la RM037 arbore des vis décoratives argentées qui scintillent – telles des étoiles dans un ciel nocturne. La RM037 abrite le calibre de manufacture automatique Richard Mille CRMA1. Le mouvement est squeletté et possède une platine ainsi que des ponts en titane. Ce bijou exclusif est porté sur un bracelet noir en caoutchouc. Si vous souhaitez faire plaisir à un proche ou à vous-même avec cette montre, vous devez toutefois disposer d’un budget de plus de 200 000 €.
La version noire de l’Omega Speedmaster
Le fabricant de montres biennois Omega a recours à la céramique pour ses montres noires. La Speedmaster au doux nom de Dark Side Of The Moon existe donc dans ce matériau en diverses variantes. La plus noire d’entre toutes est sans doute la référence 311.92.44.51.01.005 « Black Black ». La mention supplémentaire nous le donne en mille : c’est une montre sombre qui offre peu de prise à la lumière. Outre le boîtier, le cadran est également en céramique noire, les index, les aiguilles et les totalisateurs sont, vous vous en doutez, également noirs. Oui, même les repères de l’échelle tachymétrique sont noirs et quasiment invisibles. On aime ou pas, le problème pouvant résider dans la difficulté à lire l’heure de manière précise en cas de mauvaise luminosité.
La Speedmaster Dark Side Of The Moon réf. 311.92.44.51.01.003 offre une bien meilleure visibilité. Son cadran au design Speedmaster bien connu arbore du SuperLuminova® sur les aiguilles et les index. L’inscription Speedmaster sous le logo Omega et la pointe de la trotteuse de couleur rouge créent un contraste discret et esthétique. Les deux Speedmaster sont équipées du calibre co-axial 9300 d’Omega et sont montées sur un bracelet en nylon. Noir, évidemment.
Tant de noirceur a un prix : Omega facture 9 900 € pour la Speedmaster Dark Side Of The Moon « Black Black », et 8 500 € pour la version standard.
Tudor Heritage Black Bay Ceramic – noire et certifiée par METAS
La collection Tudor Heritage Black Bay est sans doute la série la plus réussie de la manufacture genevoise. Présentée pour la première fois en 2012, elle a immédiatement séduit le monde de l’horlogerie, car les modèles arborent le look classique des anciennes montres de plongée Tudor et Rolex, combiné à une technologie de pointe.
En 2021, Tudor a présenté une version noire du modèle à trois aiguilles de 41 mm avec la Black Bay Ceramic réf. M79210CNU-0001. Comme son nom l’indique, le boîtier est en céramique. À l’exception des aiguilles et des index blancs ainsi que d’une couture blanche décorative sur le bracelet, la montre entière est habillée de noir. Tudor a même doté la montre d’un mouvement noir avec un rotor de remontage en tungstène, visible à travers un fond saphir.
Autre particularité : le calibre de manufacture Tudor MT5602-1U est certifié Master Chronometer par l’Institut fédéral de métrologie indépendant (METAS) et dispose en outre du célèbre certificat de chronomètre du COSC. Pour faire l’acquisition de cette petite merveille de technique, il faudra débourser environ 5 000 €.
L’Heritage Black Bay Ceramic n’est toutefois pas la seule Black Bay noire. En 2016, Tudor avait déjà présenté au public la Black Bay Dark, également d’un diamètre de 41 mm. Ce modèle est en acier inoxydable et revêtu de PVD. Contrairement à la Black Bay Ceramic, dont l’échelle de plongée est noire, celle de la Black Bay Dark est blanche. Cette montre est équipée du calibre de manufacture MT5602, présenté pour la première fois en 2015. En raison du boîtier en acier inoxydable et du mouvement plus simple, le prix est ici d’environ 3 700 €.
En bref
Le pape de la mode Karl Lagerfeld le savait déjà au début des années 70 et nous a montré la voie : les montres noires sont stylées et dégagent une aura quasi-mystique. Symbole du côté obscur, le choix du noir n’empêche pas la plupart de ces montres d’afficher une certaine légèreté et plus de décontraction que certaines de leurs homologues clinquantes. C’est notamment le cas lorsque quelques notes de couleur viennent contraster avec le noir profond. Cela aura pris quelques années avant qu’elles ne soient adaptées à la vie quotidienne, acceptées par le marché et finalement adoptées par le grand public. Une montre de haute qualité de couleur noire peut venir joliment compléter une collection déjà bien fournie.
