Lorsque Rolex a dévoilé la Cosmograph Daytona en 1963, l’Omega Speedmaster et l’Autavia d’Heuer étaient déjà de l’histoire ancienne. La manufacture genevoise a manifestement été contrariée que deux de ses concurrentes l’aient devancée en commercialisant de véritables innovations en matière de chronométrage automobile tandis qu’elle misait encore sur le succès de la Day-Date, de la Submariner et compagnie. Les stratégies marketing de Rolex ont toutefois fini par porter leurs fruits au début des années 1960 en lui permettant de s’imposer comme chronométreur officiel des 24 Heures de Daytona en Floride – et de baptiser sa montre par la même occasion.
Aussi incroyable que cela puisse paraître aujourd’hui, et malgré son prix inférieur à 200 dollars, la Rolex Daytona n’avait que très peu de succès et n’intéressait presque personne dans les années qui ont suivi sa création. Il fallut attendre que l’acteur hollywoodien et pilote automobile amateur Paul Newman médiatise sa Daytona 6239 en la portant face aux caméras pour que la demande augmente sensiblement et durablement. Désormais devenue l’apanage des stars, des célébrités et de tous ceux qui rêvent de gloire, la Daytona se décline aujourd’hui dans d’innombrables variantes, et même aux couleurs de l’arc-en-ciel.
Ces dernières années, les prix de la plupart des références ont augmenté de façon parfois spectaculaire grâce à un subtil mélange d’effet de groupe et d’appât du gain. Malgré une légère baisse des prix, les références contemporaines peuvent atteindre le triple de leur prix catalogue. Que vous fassiez partie de ceux qui n’ont pas pu résister et ont déboursé une fortune pour acquérir ce chronographe relativement simple ou, à l’inverse, que vous soyez l’heureux propriétaire d’une Daytona depuis longtemps et vous réjouissiez de cette plus-value…
Dans cet article, nous nous intéressons, avec humour, à la personnalité des propriétaires de Daytona.
La Rolex Daytona 08/15 : un classique onéreux pour apprentis dompteurs de lions
Si vous êtes suffisamment âgé pour porter une Daytona, vous connaissez sûrement l’excellent sketch des Monty Python avec le conseiller d’orientation professionnelle (dans le cas contraire, une petite recherche sur YouTube s’impose). Dans ce sketch vieux de plus de 50 ans, l’honnête M. Anchovy (incarné par Michael Palin) souhaite se reconvertir en tant que dompteur de lions. Malheureusement, il s’avère que M. Anchovy est particulièrement ennuyeux, insipide, craintif et soumis… Bref, qu’il n’a aucune qualification pour le poste – si ce n’est qu’il possède déjà un chapeau de dompteur de lions.
Les versions standard telles que la Daytona 116520 sont un peu comme le chapeau de dompteur de lions de M. Anchovy : ce sont des chronographes pour les millions de personnes qui rêveraient de passer leur vie sous les feux de la rampe plutôt que derrière leur bureau. C’est votre cas ? Alors, vous vous moquez probablement de savoir utiliser ce chronographe correctement, pourvu que vous puissiez porter ostensiblement cet artefact hors de prix à la vue de tous.
Pensez toutefois à bien préciser que la Daytona est LA montre des célébrités internationales. Certes, dans ce milieu, une montre massivement disponible telle que la Daytona 116520, voire la Daytona 116503 bicolore arriverait au mieux en dixième position pour remplacer une Daytona Paul Newman ou John Player en or malencontreusement tombée dans les toilettes – car ça peut arriver.
En revanche, si vous avez opté pour une Daytona 116500LN avec lunette en céramique, vous faites déjà un dompteur de lions un peu plus crédible. Et puisqu’il vous reste tout de même beaucoup d’échelons à gravir, n’hésitez pas à passer à la gamme supérieure. Avec un peu de chance, vous finirez par vous hisser jusqu’à la Daytona 116506 en platine un de ces jours. Et si cette ascension vous rend aussi glacial que le cadran de cette référence, un autre modèle évoqué dans la suite de cet article pourrait mieux vous correspondre.
La Rolex Daytona Paul Newman : l’Art déco pour les papys et les hipsters
De nombreux modèles de Rolex Daytona (plus ou moins suspects) sont associés au nom de Paul Newman. La seule variante authentique n’est autre que la référence 6239 avec son cadran « Exotic Dial » blanc et ses chiffres de style Art déco – que chacun est libre d’apprécier… ou pas. Quoi qu’il en soit, les collectionneurs s’arrachent ce modèle et son prix atteint des sommets depuis des années. Et la vente aux enchères en 2017 d’un exemplaire ayant appartenu à Paul Newman pour la modique somme de 15,3 millions d’euros n’a fait que renforcer cet engouement. Difficile de justifier un tel montant de manière rationnelle, mais cela n’a sans doute pas empêché les héritiers de l’acteur de se frotter les mains.
Puisque vous appréciez tant le style Art déco délicat (et pompeux) des chiffres qui ornent le cadran, il se pourrait bien que vous soyez devenu un tantinet conservateur au fil du temps et que vous soyez resté coincé quelque part entre 1890 et 1940. Ce style décoratif un peu vieux jeu fait probablement partie intégrante de votre univers, de votre salon jusqu’à votre bureau où s’entassent les documents et les presse-papiers : chaque objet porte le poids (et l’odeur) des années, voire des siècles écoulés. Côté loisirs, vous aimez surtout le théâtre, les musées d’art et les opéras. Vos matinées sont rythmées par les traditionnelles tartines de confiture, vos après-midis par les tasses de thé et vos soirées par les plats en sauce servis à heure fixe par votre personnel de maison.
L’expression « Art déco » ne vous dit rien ? Alors, votre passion pour les montres est probablement récente et vous parcourez sans doute cet article confortablement installé dans votre magnifique duplex en plein centre-ville. Coupe undercut, barbe longue et parfaitement entretenue, votre Daytona Paul Newman est – malgré ou grâce à son design vintage – parfaitement assortie à votre chemise à carreaux et à vos lunettes oversize, grâce auxquelles vous pouvez lire l’heure sur votre montre et surtout vérifier que vous n’êtes pas en retard pour votre rendez-vous chez le barbier ou au salon de manucure.
La Rolex Daytona en or, une affaire d’égo
Prenez une Daytona en or, ajoutez-y une ribambelle de diamants inutiles et vous obtiendrez une Daytona Rainbow (réf. 116595RBOW) surchargée et kitsch, c’est-à-dire le parfait accessoire pour arpenter les rues au volant de votre grosse voiture en roulant des mécaniques sur votre trajet quotidien vers la salle de sport – si tant est qu’une voiture surdimensionnée et une montre en or au goût plus que douteux puissent impressionner qui que ce soit.
Et puisque ce modèle tape-à-l’œil est surtout apprécié des stars hollywoodiennes et des footballeurs ultra-riches, n’hésitez pas à demander à vos amis (si toutefois vous en avez) à laquelle (ou lesquelles) de ces catégories vous appartenez.
